“Après 10 ans de présence, les enjeux du pays sont bien compris.”


Suite de notre série d’interviews sur la manière dont est vécue la campagne électorale en vue des élections présidentielles. Aujourd’hui, Salim (le prénom a été modifié), 35 ans, habite à la Verrière, dans les Yvelines. En France depuis 10 ans en provenance du Sénégal, il est père de 2 enfants.

 

Penses-tu qu’il faudrait accorder le droit de vote aux élections présidentielles aux étrangers ?

Oui, à partir du moment qu’ils vivent là depuis minimum 10 ans, parce qu’après 10 ans de présence, les enjeux du pays sont bien compris. Quand on y a eu des enfants, quand on y paie des impôts, on sait ce qui est bien ou pas pour le pays. Alors que quelqu’un qui vient d’arriver ne connaît pas les enjeux politiques en profondeur. Il peut rapidement obtenir ses papiers, mais sans être réellement intégré.

Si tu avais une baguette magique, qu’est-ce que tu mettrais en place pour l’ensemble des personnes habitant en France ?

Je pense que si on respectait et appliquait les lois qui sont votées, il y aurait plus d’égalité. Dans la loi, il y a déjà la liberté, l’égalité et la fraternité. Tout ça existe déjà, mais le problème c’est que les personnes ne respectent pas ces principes. Cette devise ne s’applique pas aux étrangers, alors que c’est une devise qui devrait inclure tout le monde. Je pense que les Français ressentent cette « Liberté, Égalité, Fraternité », mais pas nous.

Et si tu avais une baguette magique, qu’est-ce que tu mettrais en place pour les immigrés habitant en France ?

Déjà, je mettrais en place quelque chose pour leur permettre de faire les formations de leur choix pour accéder au métier pour lequel ils ont été formés. Pas qu’on leur impose des formations juste parce que c’est des étrangers. Il y a aussi beaucoup d’inégalités concernant les stages, les alternances et les postes de travail. Par exemple, un étranger peut avoir un meilleur CV qu’un Français de “souche”, mais c’est le Français qui sera accepté. Pour moi, ce sont les choses à améliorer pour que l’immigration soit plus productive.

Il faudrait aussi mettre plus de créneaux de rendez-vous en place à la préfecture pour renouveler nos titres de séjour pour pouvoir continuer à travailler. On peine énormément à trouver un rendez-vous. C’est minimum 2 mois d’attente.

Et pour les Français qui ont des parents issus de l’immigration ?

Ils subissent le même sort que leurs parents…

"La politique, je la définis comme un ensemble de règles qui permet que quelqu’un soit là pour superviser que le vivre-ensemble se passe bien, que chacun puisse vivre librement."

Comment tu t’informes sur ce qui se passe ?

À la télé, je regarde les chaînes d’info classiques, BFMTV, France 24, (ndlr : spécialisée dans les informations internationales) et des émissions comme TPMP, ou Quotidien que j’aime bien parce qu’ils y font le résumé de l’actualité des dernières 24h, et ça me permet de cerner l’information essentielle surtout du champ politique. Je regarde aussi le journal de 20H parce qu’il développe avec plus de précisions et de contenu les faits marquants de la journée. Et BFMTV, c’est juste une question de réflexe.

Et je lis beaucoup les journaux électroniques également, comme le Monde ou le Figaro. Je m’arrête juste des fois sur leurs articles sans trop vraiment de raison.

Tu t’es déjà renseigné pour savoir pour qui t’aurais voté si tu étais Français ?

Oui, je me suis bien renseigné parce que je connais bien leurs programmes, que ce soient les candidats de droite, de gauche, d’extrême droite, d’extrême gauche, les écologistes, les insoumis… J’aime bien m’informer, et je pense que c’est de la culture générale aussi. De savoir ce qui se passe autour de soi, c’est quelque chose de très important à mon avis.

Ça sert à quoi la politique pour toi ?

La politique en tant que telle, sans y associer l’image des hommes et femmes politiques, je pense que c’est quelque chose de bien. Parce que c’est ça qui nous permet d’avoir ce vivre-ensemble. Sans cela, c’est comme si on vivait dans la jungle.

La politique, je la définis comme un ensemble de règles qui permet que quelqu’un soit là pour superviser que le vivre-ensemble se passe bien, que chacun puisse vivre librement. Le rôle d’un politique élu, c’est d’accomplir son devoir comme il doit, sans distinction entre les gens. J’ai une image positive du politique, mais moins des politiciens.

Tu as une mauvaise image d’eux ?

Je n’ai pas une image qui est tout à fait positive.

Qu’est-ce que tu penses des femmes et des hommes politiques quand tu les vois à la télévision ?

Je vois juste des gens qui veulent convaincre en fait. C’est des gens qui cherchent à avoir des voix, qui cherchent à plaire aux autres pour gagner des voix, même si ce n’est pas forcément ce qu’ils pensent. La preuve en est que plusieurs incidents ont eu lieu lorsqu’ils croyaient que les micros étaient coupés. C’est là qu’on voit leur vrai visage. On voit qu’ils font des choses juste pour capter l’attention du public.

Quels sont les hommes et les femmes politiques que tu préfères, tous pays confondus ?

En France, c’est Benoît Hamon. C’est quelqu’un que j’apprécie, pour son côté social, son envie de donner cette égalité des chances aux enfants d’immigrés par exemple. Au Sénégal, c’est Ousmane Sonko, parce que ça va faire 6 – 7 ans qu’il est dans la politique et son discours est toujours cohérent avec ses actes. C’est tout ce qu’on demande à un homme politique.

Est-ce que tu t’imagines un jour te présenter à des élections ?

Non, je ne pense pas me présenter à des élections (rire). Parce que j’ai peur de devenir comme ces politiciens. On peut voir quelqu’un de bien et de sérieux, mais une fois entré dans la politique, il change. On dirait que c’est contagieux. En plus de ça, c’est une vie qui demande à aller voir les gens pour qu’ils nous fassent confiance. C’est pas une vie qui m’intéresse.

 

Propos recueillis par Kandia Dramé


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