Nous continuons de suivre Layna (le prénom a été modifié), jeune étudiante de 21 ans, et sa difficile découverte du monde du travail à travers ses formations en alternance réalisées en DUT, en licence et actuellement en Master dans une école de commerce à La Défense. Récit.
« Aujourd’hui ça va, mais ça n’a pas été toujours facile », résume Layna, 21 ans, après une nouvelle expérience en alternance douloureuse. Arrivée en quatrième année d’études supérieures, la jeune femme a eu en effet plus de mauvaises surprises que de bonnes dans les entreprises qu’ils l’ont accueillie en alternance.
« Mes deux premières années en études supérieures, en alternance ? Comment les définir ? c’était un cauchemar ! Tous les jours je sortais en pleurs », concède-t-elle. Au point qu’à l’issue de son DUT, elle souhaite « faire mon Master en initial et plus en alternance parce que je ne voulais pas revivre un nouvel échec. » Mais après plusieurs mois de réflexion, et surtout grâce à sa responsable d’alternance de troisième année, l’étudiante n’a pas baissé les bras.
Elle trouve alors une alternance au sein d’une grande entreprise en vue d’obtenir sa licence. Tout se passait très bien. « J’avais l’impression de revivre, admet la jeune femme. Cette alternance m’a permis de reprendre totalement confiance en moi. Je ne sais pas vraiment si c’est l’entreprise ou ma responsable qui m’a fait changer ma vision des choses », se remémore-t-elle en levant les yeux au ciel, comme si elle repensait à cette époque bénie. Elle aurait bien aimé pouvoir rester dans cette entreprise, mais aucun poste ne correspondait à sa poursuite d’études. La voilà donc repartie pour chercher une nouvelle alternance en vue de valider sa quatrième année d’étude.
Ayant le choix entre plusieurs entreprises, Layna a pris le temps de se renseigner sur les entreprises et choisir celle qui lui correspondait le plus. « Je m’y suis prise à l’avance pour trouver une bonne entreprise et un bon poste de commerciale. Au début, j’avais peur, mais j’étais loin d’imaginer ce qui m’attendait réellement. » Pourtant, après avoir fait le choix entre 5 différentes entreprises et à l’issue de ses recherches, Layna était persuadée de son choix, d’autant que l’entretien s’est très bien passé. « Je me suis entendue super bien avec ma responsable », se souvient la jeune femme, elle qui accordait une réelle importance à l’entente entre sa tutrice et elle, après ses expériences malheureuses. « J’étais persuadée que ça allait matcher entre elle et moi », confie-t-elle.
"J’avais tellement peur de me retrouver encore une fois avec une tutrice malveillante"
Par hasard, peu avant son arrivée dans l’entreprise, une amie dont le conjoint est un ancien salarié de l’entreprise lui fait un retour peu rassurant sur le style de management de la directrice de la start-up qu’elle va intégrer, située dans le Mantois, à 45 km de chez elle, à Fontenay le Fleury. « J’avais tellement peur de me retrouver encore une fois avec une tutrice malveillante. Je ne voulais plus aller dans cette entreprise. Mais c’était déjà trop tard, mon contrat été signé et je partais en vacances dans trois jours. » Impossible à ses yeux de trouver une autre alternance en si peu de temps.
Et puis, malgré les a priori sur l’entreprise et sur sa responsable, Layna a voulu tenter sa chance et ne pas écouter tout ce qu’on a pu lui dire avant son arrivée. « Je vais partir du principe que chacun doit se faire son expérience, et que pour moi, elle serait peut-être différente », relativise-t-elle alors. Pas très confiante tout de même, fin août, au retour des vacances, Layna commence. « C’est simple, ça faisait à peine une dizaine de jours que j’étais dans l’entreprise, que ma tutrice me faisait déjà la misère. » Sans aucune formation, la jeune alternante doit se rendre dans un salon, seule, à vendre les produits qu’elle connaissait depuis à peine quelques jours. « J’avais tellement honte ce jour-là. Je ne savais même pas quoi répondre aux questions des clients », se rappelle-t-elle, en haussant la voix et en parlant avec ses mains.
Layna a alors l’impression d’être embauchée pour un poste à plein temps et non pour une alternance. « Elle me faisait comprendre que je devais tout savoir et rapidement », s’énerve-t-elle. Le doute s’installe sur sa capacité à poursuivre son stage, et l’étudiante commence à se remettre en question. « Au début, je ne voulais pas partir. Je savais que le poste qui était proposé pouvait m’apprendre énormément de choses », explique-t-elle en prenant son téléphone pour regarder l’heure. « Mais avec du recul je me rends compte que rien n’allait. Ni ma tutrice, ni les collègues, ni l’ambiance générale. Et aucune formation ne m’était proposée. »
N’étant pas la seule en alternance dans cette entreprise, elle parvient à trouver du réconfort auprès des autres. Mais « elle nous mettait souvent en concurrence sur les mêmes sujets, et elle passait son temps à nous comparer, entre les alternants du même service », déplore Layna.
"J’ai fait mes entretiens en cachette pendant une semaine, sans que ma tutrice ne se doute de quelque chose"
Après trois jours de pleurs et les conseils de son entourage, « dégoûtée encore une fois », Layna s’est remise à postuler sur les différents sites d’offres d’emploi pour trouver une autre alternance, se sentant incapable de faire deux années dans cet environnement. « J’ai fait mes entretiens en cachette pendant une semaine, sans que ma tutrice ne se doute de quelque chose, révèle-t-elle. J’avais tellement peur de lui dire que je voulais partir. Mais ce n’était pas possible de continuer comme ça pendant deux ans. Je sais pas comment j’aurais fini », concède-t-elle courageusement.
Après une semaine d’entretien, elle finit par trouver une entreprise dans le 15e arrondissement de Paris, spécialisée dans la santé mentale, élément rassurant pour elle. « J’ai tout de suite accroché avec les responsables et le cœur de métier de la société. J’ai eu une chance de dingue de pouvoir trouver assez rapidement », estime-t-elle.
Le plus dur au moment de quitter son entreprise a été de dire au revoir, même si « j’avais confié à quelques personnes de la société que je voulais partir. » L’ambiance est mauvaise. Quelques jours avant son départ sa responsable ne lui adressait plus un mot. Layna, soucieuse, se disait que sa responsable avait dû déjà être mise au courant de sa volonté de partir. « Je n’ai jamais su qui lui avait dit avant moi », se rappelle-t-elle en levant les yeux au ciel. « Elle n’a pas voulu entendre mes explications et n’a jamais compris les raisons de mon départ. »
Mais en sortant pour la dernière fois avec toutes ses affaires le vendredi soir à 16h, la jeune femme savait qu’elle avait fait le bon choix. « Quand j’ai franchi la porte, j’ai laissé tous les problèmes derrière moi, se souvient Layna. J’ai ressenti comme une forme d’apaisement, je savais que c’était fini et que je ne serai plus obligée de revenir ici », explique-t-elle, soulagée comme si c’était hier.
Pourtant, les impacts de ce qu’elle vit comme un nouvel échec ont été destructeurs. « À force que ça se passe mal, on pense forcément que c’est soi-même le problème », constate-t-elle froidement. Le manque de confiance en soi la pousse à expliquer à son entourage, qui la considère pourtant comme une femme de caractère et qui ne se laisse pas faire, qu’elle pensait ne pas être faite pour le monde du travail, car incapable de gérer les situations stressantes créés par ses responsables. « C’est fou, comme une personne peut nous traumatiser », résume-t-elle.
Depuis le mois de septembre, dans l’entreprise qui accueille sa nouvelle alternance, Layna occupe un poste de business développeur, en charge de trouver des clients potentiels intéressés par la visite de psychologue au sein de leur société, en vue d’augmenter le bien-être au travail. « Aujourd’hui je peux dire que ça va à peu près », constate-t-elle. Depuis plusieurs semaines, Layna essaie de se relever petit à petit et de reprendre confiance en elle pour assurer son nouveau poste, et pouvoir de nouveau se projeter dans l’avenir. « Ça n’a pas toujours été facile, mais j’ai tendance à croire que je trouverai bien une entreprise dans laquelle je serai heureuse de venir au travail le matin. »
Natacha Nedjam