
Après une scolarité classique jusqu'au lycée, Ismael Bally se retrouve sans aucune offre de formation dans le supérieur proposée par la plateforme de Parcoursup, obligé de passer le temps pendant un an avant de pouvoir retenter sa chance.
Ismaël Bally, dix-neuf ans, est un étudiant qui a longtemps cherché à raccrocher avec une formation en cuisine, qu'il vient finalement de débuter. Inspiré par sa mère, très bonne cuisinière et dont il est proche, il raconte qu’elle lui a « transmis l’amour de la cuisine » et c'est cet amour pour la cuisine « qui me pousse à vouloir se former dans ce domaine » explique-t-il.
Ismaël souhaite obtenir un BTS en cuisine, et, si possible, une licence pour approfondir ses compétences, avec un projet en tête : ouvrir un restaurant, un lieu convivial pour les gourmets, avec un ami d'enfance qui partage sa passion pour la cuisine guadeloupéenne. La Guadeloupe, c’est la région d’origine de sa mère, assistante maternelle, et de son père, chauffeur routier habitant en Seine-Saint-Denis, et qu’il ne voit pas souvent.
« J'ai eu la chance d'avoir une école pour ma formation en cuisine », mais seulement après une deuxième tentative sur Parcoursup et une année sans formation dans le supérieur, à attendre de pouvoir une nouvelle fois postuler. « Beaucoup de mes camarades après le bac se retrouvent lésés par Parcoursup et ne reçoivent que des refus », témoigne-t-il. Il raconte que ses amis de lycée sont nombreux à abandonner leur parcours scolaire parce qu'ils ne trouvent pas de suite, avec le sentiment que leurs compétences et leurs motivations ne sont pas considérées à leur juste valeur. De quoi leur faire penser qu’ils sont confrontés à des préjugés en raison de leurs origines et des noms qui ne sont pas d’origine européenne, alors que leur parcours scolaire est tout à fait normal.
"Dans le même lot, ceux qui avaient d’autres noms d’origine plus francisée avaient toujours des réponses"
En colère face à cette situation, Ismaël en vient à se poser des questions « car dans le même lot, explique-t-il, ceux qui avaient d’autres noms d’origine plus francisée avaient toujours des réponses, même si, pour certains, ils étaient moins bons à l’école. » C’est pourquoi le jeune homme aimerait anonymiser le processus de sélection des candidatures. A ses yeux, ces obstacles sont plus importants que leur réseau professionnel limité dans l’obtention de stages ou l’accession aux écoles demandées.
S’il habite actuellement à Élancourt avec sa mère, sa sœur de deux ans son aînée, actuellement en alternance dans une école de marketing à Paris et de son beau-père avec lequel il vit depuis cinq ans, Ismaël se souvient des stigmates vécus dans son enfance. Le jeune homme est né et a grandi à Trappes, où il a fait toute sa scolarité jusqu’à la fin du collège et se souvient des préjugés liés à sa ville d’origine. En seconde générale, il entre au lycée Dumont d’Urville de Maurepas où il obtient un bac STMG dans une filière, informatique, dans laquelle il ne souhaite pas continuer lors de ses études dans le supérieur.
« J'allais au lycée, mais ce n'était pas vraiment pour suivre les cours, raconte l’adolescent. Je venais juste comme ça, car je ne voyais pas l'intérêt des matières ». Passionnée par l'informatique, Ismaël, qui se dit souvent distrait en cours, est plutôt en recherche d’un enseignement moins théorique. Or, « quand on m'a demandé de m'intéresser à la philosophie ou aux sciences, je ne voyais pas leur utilité », souffle-t-il.
"Ismaël pense qu'il faudrait que l'école intègre plus de matières « qui parlent aux jeunes"
A la réflexion, après avoir obtenu son bac sans mention, Ismaël pense qu'il faudrait que l'école intègre plus de matières « qui parlent aux jeunes. Des trucs pratiques comme l’informatique, le numérique, des projets créatifs ou les langues étrangères en lien avec nos passions ». Voilà qui, selon lui, aiderait à rendre l'apprentissage plus intéressant et à motiver les élèves. « En plus, il faudrait aussi qu'on ait plus de liberté pour choisir ce qu'on veut apprendre. Ça pourrait vraiment faire la différence », explique Ismaël, qui finalement s’inscrit dans la dynamique des dernières réformes contestées mise en place par l’éducation nationale.
Sans proposition d’école par Parcoursup après son bac, Ismaël enchaîne donc divers petits emplois, notamment comme serveur dans des fast-foods, l’été, afin de mettre un peu d'argent de côté. Puis il décide de s'inscrire à la mission locale de Trappes et, avec l'aide de son conseiller Julien, trouver une mission de service civique dans une association bien connue à Trappes Fedee Aamadou Hampaate Bah. Il y donnera des cours de français à des adultes et parfois à jeune ados mineurs étrangers. Il fera aussi de l’aide aux devoirs avec des collégiens. Avec l’argent de son service civique, Ismaël veut financer ses cours d'auto-école, et obtenir son permis de conduire afin de pouvoir se déplacer facilement vers son école de formation en cuisine.
Pensant à cette période d’attente, Ismaël se demande s’il n’y aurait pas eu un autre moyen plus efficace pour lui de faire cette transition entre le lycée et les études supérieures. Les alternatives semblent parfois floues et peu accessibles d’après Ismaël, pas toujours bien informé sur les opportunités qui s'offraient à lui, que ce soit pour les stages ou pour les écoles. « On nous demande d'aller à l'école, mais qu'est-ce qui se passe vraiment après le bac ? », demande-t-il aujourd’hui.
Dissane KAFECHINA.