Minata Meite, un parcours mouvementé de la Côte d’Ivoire à Trappes


Pour son premier portrait, Mabinou raconte le parcours de sa maman, Minata Meite, et sa nouvelle vie en France, depuis 2007.

 

« D’un côté, quand je suis venue, je m’ennuyais. Parce que là-bas et ici, ce n’est pas pareil... », se souvient Minata Meite, aujourd’hui 47 ans, après son arrivée en France avec ses deux premiers enfants, en 2007, en provenance d’une Côte d’Ivoire qui connaissait alors une guerre civile. Finies pour elle les cours des maisons dans lesquelles les familles se rejoignaient et vivaient ensemble toute la journée. 

Petit à petit, pourtant, ayant la chance d’être plutôt sociable et souriante, elle se construit une vie à Trappes, où elle visite de temps en temps le marché, et où elle organise des tontines, un système permettant à un groupe d'amies ou de proches de se réunir chaque mois pour mettre une somme déterminée en commun. Au terme de la réunion, une des participantes est piochée pour récupérer la totalité de la cagnotte. Ce système de tontine, ce n’est pas dans son pays d’origine que Minata y a pour la première fois participé, mais en France, afin de connaître plus de femmes, ivoiriennes ou pas.  

Côté école, rien n’est facile pour elle et ses enfants. Son fils et sa fille intègrent en effet un premier établissement, mais pour peu de temps. « Quand on est arrivés, ils étaient à Paul Langevin. On leur a dit qu’ils ne pouvaient pas rester là-bas parce qu’ils venaient du bled », explique la maman, encore aujourd’hui dégoutée. Parce qu’en raison du conflit en Côte d’Ivoire, ses deux enfants n’ont pas réellement pu suivre une scolarité normale, et manquent de maîtrise en français. « Donc ils ont dit à leur papa qu’ils devaient aller dans une autre école, Jean-Baptiste Clément, un peu plus proche du domicile. Ensuite, Korotoum est partie à Flaubert pour finir sa primaire. Et son frère et elle ont ensuite fait leur collège à Gagarine. » 

 

« ils se sont débrouillés et s’en sont sortis scolairement »

En repensant à cette époque, Minata explique avec amertume que cette situation sur l’éducation de ses enfants l’a marquée, mécontente du traitement que ses enfants ont reçu, elle qui aurait aimé que ses enfants soient traités comme les autres enfants, malgré leur décalage de niveau avec les autres. La maman se souvient : « Ce n’était pas facile pour eux », et encore plus pour Korotoum, la deuxième de la fratrie, qui avait des lacunes en français et en mathématiques. Pas facile non plus pour Minata, qui a toujours accordé beaucoup d’importance à l’éducation de ses enfants, de les accompagner dans leurs études. Heureusement, ses enfants bénéficient de l’aide aux devoirs dans leur établissement scolaire, et au sein de la Mission Populaire de Trappes. Finalement, « ils se sont débrouillés et s’en sont sortis scolairement », se rassure Minata, Korotoum étant aujourd’hui auxiliaire de puériculture et Drissa technicien d’ascenseur.

Jamais Minata n’aurait pensé, enfant, que sa vie adulte ressemblerait à cela. Née en 1976 à Bouaflé, en Côte d’Ivoire, elle perd sa mère à cinq ans. Puis elle bouge beaucoup : Tinasso, Abidjan, Daloa…, et grandit surtout avec sa grand-mère dans les champs et les plantations de différents endroits, au rythme des déplacements professionnels de son père, travaillant tantôt dans un champ, tantôt en tant que chauffeur, pour au final finir en tant que syndicaliste dans une entreprise de transport. A cette époque, elle ne le voit qu’en coup de vent, quand il est de passage au village, lui qui habite en ville, et dont elle garde encore aujourd’hui la carte de membre pour le parti du Rassemblement Des Républicains de Côte D’Ivoire. « J’étais avec ma grand-mère qui s’inquiétait beaucoup, se remémore-t-elle, l’air pensive. Elle voulait que je ne manque de rien, que je mange tranquille en étant enfant. On allait au champ, on quittait, on revenait à la maison. C’était bien ! J’ai de bons souvenirs. Je n’ai manqué de rien. » 

 

« On a vu des choses violentes, c’était difficile »

A 17 ans, en 1993, habitant alors à Daloa, une ville située au centre ouest de la Côte D’Ivoire, son père et les parents de son futur époux la marient religieusement à Siriki Meite, à l’époque ouvrier dans une usine de bois. Quelque temps plus tard, son premier garçon, Drissa, voit la lumière du jour, suivi trois ans plus tard, d’une fille, Korotoum. 

Toujours à Daloa, à partir de 2001-2002, la situation politique devient plus difficile en Côte d’Ivoire, et les tensions entraînent le pays dans un climat d’insécurité du fait d’affrontements entre rebelles et militaires, des tentatives de coups d’état et, selon ses souvenirs, de persécutions envers les Dioulas, auxquels elle appartient, habitants musulmans du nord et du centre du pays, alors que les Ivoiriens du Sud sont majoritairement chrétiens.

« On a vu des choses violentes, c’était difficile… mais grâce à Dieu, on est là », confie-t-elle. Dans ce contexte de guerre civile, Minata m’explique que, en 2002, à Daloa « ta sœur et ton frère étaient angoissés par les violences. Donc on est partis au village, à Tinasso », au nord du pays, où ils restent six mois avant de revenir, après avoir reçu une lettre de ses beaux- parents lui demandant de venir à Abidjan, la capitale du pays, en raison du décès de son père, qui y habitait, pas loin de chez sa belle-famille. Et ils pensent qu’il est préférable pour tous de vivre tous ensemble, en famille, surtout lors d’un temps de conflit. 

Du fait du prolongement de la guerre, son mari, Siriki, qui habite en France depuis 2000, après y avoir rejoint son frère, et ayant obtenu la nationalité française par naturalisation, souhaite que sa famille le rejoigne. Siriki retourne alors en Côte d’Ivoire pour se marier civilement à la mairie, et récupérer les documents permettant de rentrer en France avec sa femme et ses enfants, leur obtenant par la suite un visa de long séjour. 

Ainsi, « le 24 septembre 2007 », se rappelle-t-elle, Minata pose ses pieds pour la première fois sur le territoire français, avec son mari et ses deux enfants. Pour elle, même en France, les changements de logements restent fréquents. La famille habite tout d’abord à la Cité Boubas, puis dans un autre quartier de la ville, à Castiglione Del Lago. Pendant une courte période, ils vivent à Versailles, avant de retourner à Trappes une bonne fois pour toute. 

Une fois posés à Trappes, Minata et son mari décident d’élargir leur famille, avec trois enfants de plus. Son mari ne souhaitant pas voir ses enfants aux mains d’autres personnes, Minata passe quelques années en tant que femme au foyer. 

Ce n’est qu’en juillet 2016 qu’elle commence à travailler, en tant qu’agent d’entretien dans un hôpital. « Ça me plait de travailler, ça ne m’ennuie pas, explique-t-elle, quand on lui demande son avis sur le sujet. Au contraire, ça m’a permis de faire des choses », de se sentir plus autonome du fait qu’elle peut faire ce qu’elle veut avec son argent, et notamment, explique-t-elle avec le sourire, de pouvoir payer le loyer. Ce travail apporte un autre changement dans sa vie, celui d’avoir d'autres relations sociales, et de transformer un quotidien qu’elle ressentait comme plutôt morne. « Les collègues sont bien aussi », raconte Minata. Tout sourire, elle affirme que son quotidien lui va très bien. Et quand on lui demande de se projeter dans 5 ans, elle dit qu’elle se «verrait là, toujours avec le travail.  Je reste ici, à côté de mes enfants, si Dieu me donne la santé et une longue vie. De temps en temps je vais en Côte d’Ivoire pour saluer la famille, mais sinon je reste. »

 

Mabinou Meite


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