On retrouve Daniel*, maintenant 20 ans, qui a repris ses études après les avoir arrêtées afin de pouvoir aider financièrement ses parents. Retour sur son parcours.
« Depuis que j’ai obtenu mon bac, ma poursuite d’études a été très compliquée » raconte Daniel (le prénom a été modifié), 20 ans, après avoir obtenu un baccalauréat professionnel en gestion. Comme beaucoup d’autres, cet étudiant résidant du quartier de Léo Lagrange à Trappes, s’est souvent retrouvé perdu face au choix qui était le sien de s’insérer dans le monde du travail ou de continuer ses études, après l’obtention de son bac. « De base, j’ai fait un baccalauréat professionnel dans le but de m’intégrer directement dans le monde du travail parce que j’en avais trop marre de l’école », reconnaît-il. Son objectif à l’époque ? L’indépendance financière le plus rapidement possible. Pourtant, « en sortant du bac, je me suis vite rendu compte que si je voulais bien gagner ma vie plus tard, il fallait que je continue mes études. »
Alors Daniel prend la décision, sans trop savoir où il met les pieds, de s’orienter vers un BTS Comptabilité Gestion, à Rambouillet. « J’ai fait une année de BTS, qui ne m’a pas plu. C’était beaucoup trop centré sur les maths, et je n’aime pas du tout », explique le nouvel étudiant. En plein début de pandémie, Daniel prend alors la décision de se réorienter vers un autre BTS. Mais « je n’ai jamais trouvé d’alternance pour effectuer mon année, regrette le jeune Trappiste. Et comme je ne pouvais pas rester sans salaire parce que je dois aider ma famille, j’ai pris la décision de travailler à temps plein en tant que chauffeur-livreur, en attendant », raconte-t-il dans le salon de ses ses parents, chez lesquels il vit. En terminant de faire bouillir l’eau pour le thé, il explique : « Cette année, dès avril je me suis mis à chercher mon alternance, et j’ai trouvé un poste chez Bouygues, comme informaticien commercial. J’étais tellement rassuré. »
"Le seul point positif de ce travail, c’était le salaire."
« Au début, la reprise n’a pas été facile. Fallait que je me réhabitue au 8h-16h », concède-t-il. Quand il était livreur, Daniel avait l’habitude de faire des horaires plutôt courts, 6h-11h, mais il travaillait six jours sur sept en décalé. « Dès que je rentrais, je dormais directement jusqu’à 14 – 15h. J’étais super fatigué. Ce travail est très fatigant », explique-t-il. L’étudiant devait se coucher tôt « parce que sinon le lendemain j’avais trop du mal à me réveiller. » Son patron de l’époque, habitué au retard récurant de ses employés, devait parfois appeler Daniel pour le réveiller. Le pire pour lui, était de devoir se réveiller tôt le samedi matin pour commencer ses livraisons. Ca il se trouve en décalage avec ses copains, qui avaient leurs week-ends. « Le vendredi soir je ne pouvais pas sortir, regrette-t-il encore, sinon le lendemain je pouvais être sûr que je ne me réveillais pas. Je les voyais très peu à cette époque-là. »
Mais le jeune homme devait pouvoir aider sa mère financièrement, aide-soignante dans un Ehpad. Or, pour lui, à cette époque, « le seul point positif de ce travail, c’était le salaire. » En plus de verser de l’argent à ses parents tous les mois, « je pouvais mettre beaucoup de côté, confie-t-il en lavant les verres qui nous ont servi à boire le thé, tout en me faisant plaisir, faire les boutiques, offrir des cadeaux à mes proches. »
Le temps passant, il se rend compte que le salaire ne compense pas le fait qu’il se rend compte ne pas aimer ce métier. « Quand j’ai vu la difficulté et l’instabilité de ce métier, j’ai totalement changé d’avis sur mes choix. » Il souhaite alors retrouver une vie plus stable, et se met à repenser sa vie future professionnelle, et personnelle. « Au début, je ne me rendais pas bien compte que gagner 1600 euros aujourd’hui, quand tu n’as pas de facture à payer et qu’on habite chez nos parents, c’est cool. On a l’impression d’être riche », raconte-t-il en rigolant « Mais plus tard quand il faut payer les factures, subvenir aux besoins de sa famille et se faire plaisir, 1600 euros ce n’est rien. » Les conseils de sa petite amie ne sont pas pour rien dans cette prise de conscience.
"Le plus dur, c’est de ne plus pouvoir mettre de côté"
Une aide non négligeable pour se projeter un peu plus loin dans le futur, parce que, quand même, d’un point de vue financier, la différence entre travailler à temps plein et en alternance alors qu’on est en première année, c’est 1000 euros par mois. « Dans mon ancien travail, je pouvais gagner entre 1500 et 1700 € le mois », alors que cette année, en tant qu’alternant, c’est « à peu près entre 650 et 850 € » Un gros changement, qui impacte sa famille, à qui il ne peut plus donner autant qu’avant. L’impact se voit aussi dans sa vie personnelle « je fais plus attention qu’avant, je m’achète plus moins d’habits », admet-il. « Le plus dur, c’est de ne plus pouvoir mettre de côté », alors qu’il dit ne pouvoir compter « que sur lui-même. » C’est devenu un stress
Et puis, pas facile pourtant, de « reprendre les études à partir de zéro », alors qu’il a déjà effectué la totalité d’une première année de BTS, mais qu’il n’est pas autorisé à valoriser pour intégrer une seconde année de BTS dans une autre spécialité le formant au métier de commercial. Et il y a en plus la question du décalage d’âge avec les autres étudiants. « C’est la combinaison des deux qui ne me donnait pas envie de reprendre, comme si j’avais perdu 2 ans. J’avais peur de reprendre les études à partir de zéro », analyse-t-il.
"Dans ma classe, y’a même des gens qui ont entre 25 et 28 ans"
Pourtant, il s’aperçoit rapidement que la différence d’âge n’est pas un problème. En effet, depuis plusieurs années, plusieurs élèves comme Daniel, se réorientent ou recommencent des études plus tard, partageant avec Daniel l’appréhension d’être avec des élèves plus jeunes. « Dans ma classe, y’a même des gens qui ont entre 25 et 28 ans. Je fais partie des petits, moi ! », s’amuse-t-il. Cinq mois après sa rentrée scolaire à Poissy, il s’est très bien intégré à la classe et a trouvé sa place. « « Je trouve que ça passe super vite ! Nous sommes déjà en janvier !», nous confie Daniel, confiant, le sourire aux lèvres.
Au final, il ne regrette pas son choix. « Je ne lâcherai pas. Sinon je sais que je le regretterai plus tard. Je vais aller jusqu’au bout ». Ce jeune homme qui dit « rêver de beaucoup plus pour mon futur », souhaite avant tout faire un métier qui lui plaît, et donc des études, lui permettant de mieux gagner sa vie une fois complètement adulte et indépendant. « Je veux travailler dans la vente plus particulièrement dans la négociation, pour devenir commercial en entreprise. » En couple depuis maintenant quatre ans, il souhaite finir ses études et se marier. « J’ai pour projet de m’installer avec ma copine. J’ai hâte. »
Natacha Nedjam
*Le prénom a été modifié